par Sandra Véringa
« Un fil rouge du destin invisible relie ceux qui sont destinés à se rencontrer et ce, indépendamment du temps, de l’endroit ou des circonstances. Le fil peut s’étirer ou s’emmêler, mais il ne cassera jamais… »
Selon un mythe japonais, un fil rouge invisible rattacherait le petit doigt d’une personne au petit doigt de la personne avec qui elle est destinée être.
Pour les japonais, les relations humaines sont prédestinées, et les dieux relient ensemble deux personnes qui sont censées être ensemble à l’aide d’un fil rouge invisible. La légende raconte que les deux personnes reliées par ce fil ont une histoire importante à vivre ensemble, peu importe l’heure, le lieu ou les circonstances. Le fil rouge peut être emmêlé, crispé ou étiré, comme cela se produit souvent, mais ne peut jamais se briser.
Cette légende, beaucoup plus artistique que celle des âmes jumelles, prend vie lorsque l’on prend conscience que l’artère ulnaire relie le coeur au petit doigt (ce qui explique pourquoi dans plusieurs cultures les promesses sont faites par les deux petits doigts des concernés) . Cette fine veine se prolonge du cœur à cette extension de la main passant par le monde invisible pour terminer sa course dans le cœur de l’autre personne. Mais contrairement aux autres superstitions romantiques, cette légende japonaise ne se limite pas aux couples ou à une personne qui est censée être retrouvée par une autre.
Il s’agit d’un type de ramification artérielle qui émerge d’un doigt vers tous ceux avec qui nous sommes censés faire un bout de chemin ensemble, et vers tous ceux qui nous aiderons d’une manière ou d’une autre. Avec cette approche ontologique, cela nous donne la possibilité de percevoir notre itinéraire de rencontres comme une intrigue prédéterminée où les relations de couples, les relations intimes, et toutes les petites histoires entrecroisées ne sont ni des triomphes aléatoires ni des accidents, mais font partie d’une tapisserie à multiples facettes dont les fils nous ont été donnés lors de notre naissance mais que nous tricotons nous-mêmes.
Une légende japonaise raconte l’histoire d’un vieil homme qui vit sur la Lune et qui sort tous les soirs pour chercher des esprits parentés afin de les réunir sur Terre car certains de ceux-ci avaient encore besoin d’apprendre des uns des autres. Et lorsqu’il les trouva, il leur attacha un fil rouge pour qu’ils puissent trouver leurs chemins. Ainsi, le fil rouge de notre destin a son terme en quelqu’un d’autre.
En adhérant à cette légende, ou du moins en la considérant, on peut y retrouver un peu de réconfort. C’est comme si nos pas, aussi opiniâtres qu’ils puissent sembler, connaissaient la route et la géographie de nos multiples destinations amoureuses. Ce qui voudrait donc dire qu’il n’y a pas d’ « erreurs » ou de mauvaises décisions .
Il y a deux moments mémorables au cinéma qui rendent hommage au côté artistique subtil et mystérieux de ce fil rouge:
le premier est dans le film Dolls de Takeshi Kitano et le second est Sayonara de Joshua Logan.
Dans ces deux films, nous découvrons à la fin de l’histoire que les couples étaient unis par le fil rouge du destin, et que tout ce qui avait eu lieu auparavant dans leurs vies était une sorte de complot qui faisait intervenir les fils rouge du destin pour les réunir.
« Les voyages se terminent par une rencontre amoureuse » avait déclaré William Shakespeare.
Nombreuses cultures ont médité sur ce qui régit le cheminement individuel de chacun, et parmi celles-ci, beaucoup ont parlé d’un fil astronomique prédisant leurs trajectoires.
Dans la mythologie grecque, les Moires (Moîra), immuables dans leurs desseins, tiennent ce fil d’or mystérieux, symbole du cours de la vie, et rien ne peut les fléchir et les empêcher d’en couper la trame. Chaque personne sur Terre serait attachée à ce fil et le coupait soudainement à sa mort. Aussi dans la Cabale, il y a un fil rouge qui relie les croyants à la terre sainte de Jérusalem.
Il est logique de penser que si la vie est conçue comme un grand texte (du latin textus: tricot, connexion), les fils sont le matériau principal qui permettent aux hommes pour transformer leur vie quotidienne. Perdre le fil est aujourd’hui une expression universelle qui renvoie à une déviation pratique ou même existentielle.
Ainsi, la légende du fil rouge nous dit que dans le labyrinthe des rencontres et des histoires partagées, il y a un chemin parfaitement prédéfini, un fil écarlate qui, comme celui d’Ariane, nous relie à notre destination irrévocable, et qui est aussi lié à une autre extrémité destinée à nous guider.