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L’INCAPACITÉ À VIVRE LE CHANGEMENT

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par Samia Aissaoui

Lorsque la frustration vous possède, elle délivre tout son poison de colère, de haine et d’injustice face à ce qui se passe. La frustration, c’est ce désir incessant de toujours vouloir désirer ce qui nous manque et qui n’arrive pas, rejetant tout ce qui se manifeste ne faisant pas partie des ambitions projetées et rêvées. Des désirs qui provoquent une insatisfaction et une recherche persistantes dans l’unique but d’accéder à des états d’être et à des richesses matérielles juste dans la croyance que cela viendra assouvir une soif perpétuelle d’amour qui ne semble exister que dans l’éphémère.

Pourtant nous avons tout en nous pour vivre ces rêves et bien plus. Pourquoi alors nous nous obstinons à une quête permanente quand tout est déjà présent en Soi?

La frustration est un état émotionnel qui répond à une opposition qui vient de l’incapacité à accepter ce qui arrive et les limites de l’expérience. L’inaptitude à changer la situation dans laquelle nous nous trouvons, face à la volonté de faire bouger celle-ci par besoin de contrôler. Le contrôle est rassurant, c’est la face cachée du lâcher-prise et de l’abandon à Soi.

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Mais d’où vient la frustration, l’insatisfaction et le désir permanents d’une autre vie?
Pourquoi vouloir changer à tout prix le monde?

Cela vient du «Moi», auquel on croit s’identifier.

C’est une entité qu’on appelle « La personne » qu’on croit Etre, construite à partir d’une masse d’identification qui contient de la mémoire et des croyances. Le Moi se construit dès l’enfance par le conditionnement qui se densifie au cours de la vie, deviendra la référence de l’égo/mental qui deviendra le chef d’orchestre. Cette structure ego/mental utilisera ce référant, appris du savoir distillé par l’extérieur pour vivre son histoire et manipuler tout ce qu’il rencontre pour accéder à ses propres désirs et à ses rêves.

Ce Moi ne connaît rien d’autre, il est au service de lui-même pensant exister alors qu’il n’est qu’une multitude de programmes issus du passé. Etant totalement assujetti à l’histoire il ne navigue que dans les expériences connues n’allant jamais au-delà de ce qu’il lui est étranger, générant dans le quotidien les freins, les peurs, les angoisses, les doutes, les colères, les frustrations…

Paradoxalement, il veut vivre autre chose, il veut accéder à ce qu’il n’a pas, mais ne peut pas sortir de cette zone de confort qu’il connaît si bien. Il se croit séparé de la vie même qu’il vit.

Dès lors qu’un élan du cœur apparaît, donnant une guidance et une direction, il ne peut y donner suite; trop craintif, doutant en permanence. Alors que le sujet lui plait, il fera un blocus, alors qu’il a une destination, ne tournant que dans ce qui a vu et cru. C’est là que la résistance opère, l’élan du coeur donne l’inspiration et l’idée, mais l’action est freinée par ce Moi limité par des tas de structures qui créent un goulot d’étranglement au passage vers de possibles expériences bien plus intéressantes que celles qu’ils croient connaître insufflées par l’élan du coeur.

Le Moi tente pourtant en permanence de changer le monde dans l’axe de ce qu’il pense qu’il devrait faire, mais ce n’est pas son rôle de base. Tant qu’il reste accroché aux images passées, il se heurte au mur de l’impossible qu’il a érigé. Cette incapacité à créer le monde tel qu’il le rêve va provoquer une frustration qui au fil du temps va devenir le mur de l’impuissance face à ce qui se vit sans jamais accéder au rêve qu’il a envie d’atteindre. Cette incapacité à changer la situation, hors du contrôle, génère une colère voire parfois de la haine et de l’injustice.

Tant que nous essayons de changer quoi que ce soit à ce qui apparaît, c’est la paralysie qui se manifeste. Le changement vient de la non-volonté de changer et de l’acceptation de ce qui Est vécu à ce moment-là.

Accepter l’imperfection de la vie, c’est la voir parfaite telle qu’elle est à chaque instant.

Dans mon vécu, j’ai vu cette structure du Moi et cette incapacité à vivre l’Eveil et le changement pour quitter une situation engluée dans laquelle je me trouvais qui me paraissait trop dégradante et honteuse. Tant de jugement vis-à-vis de ce qui était là, détestant me voir ainsi sous ces formes ingrates. C’était douloureux et pénible émotionnellement. C’est un des états de la dépression.

Je réalisais le jugement violent que j’avais sur moi-même. C’était toujours un événement extérieur qui venait me le révéler. Alors que j’étais confrontée à un nouvel épisode du même genre, une colère haineuse face à l’impuissance de la situation explosa. Un débit de mots dévalorisants sortaient de ma bouche, générés par cette inaptitude à en changer le déroulement et tout ce que je vivais depuis trop longtemps. Je percevais comment je me maudissais et me détestais. Comment je me trouvais nulle. Je ne valais rien et j’étais inutile à ce monde.

Comment pouvais- je avoir une telle estime de moi-même? Comment peut- on se mépriser et se dénigrer à ce point ? A ce moment-là je laissais toute cette haine remonter à la surface, pleurant toute la violence des mots et des maux que je crachais. J’étais aussi impuissante devant tout ce déchaînement, jusqu’à ce que le calme revienne.

Le jour suivant je me trouvais dans le calme qui suivit généralement ce type de vague. Mais dans la soirée, alors que j’étais dans le silence et en état méditatif, j’ai exploré pour la première fois une des plus étranges expériences qui soient. Un tas de pensées apparaissaient, portant un langage que je ne me reconnaissais pas. L’impression de plonger dans une sauce négative sans précédent. Je ne citerai pas ici ce tas de détritus qui m’envahissait, encore plus véhément, mais le plus surprenant, c’était que je n’étais plus touchée par ce débit d’abjection, j’étais juste là à regarder ce qui apparaissait sans broncher, dans un calme surprenant.

Dans ce déluge d’injures, petit à petit, un sentiment d’amour prit place. Je ne fuyais plus ce dénigrement, parce que tout cela n’était pas Moi, mais juste des pensées issues de je ne sais où. Je n’avais qu’à laisser tout remonter à la surface comme des bulles qui finissaient par se dissoudre à la surface. Rien de tout cela ne pouvait toucher ce sentiment de paix profonde qui s’installait. Laisser tout ce jugement de moi-même exister parce que je ne fuyais plus et ne freinais plus son existence.

Je voyais cette séparation, entre ce que « Moi » le personnage et « Moi-même » la conscience, avec la sensation d’être coupée en deux. Ce que je Suis est en amont de tout ce vécu. C’est l’état de paix permanent, insondable et impénétrable qui a toujours été là que je sentais depuis quelque temps.

J’ai réalisé alors tous les mystères de la vie et cette impuissance du Moi face à elle, à cette traversée, à l’immobilisme, à ce manque d’argent et de vie sociale, à ce grand vide. Je ne pouvais rien face à l’expérience, seule la vie qui m’habitait détenait ce pouvoir de tout réduire à néant ou de continuer l’existence comme elle le désirait. Lutter contre ce qui était là, c’était lutter contre sa volonté à elle. En la laissant s’exprimer de la façon dont c’était là, je me mettais à son service, me laissant choir et tomber dans les bras de la vague qu’elle exprime à chaque instant..

Finalement, il fallait faire l’expérience du désamour de moi-même pour découvrir que j’étais l’Amour.

Etant cette conscience en expérience dans ce corps, je ne pouvais qu’accepter ce qui apparaissait dans le champ. J’étais la conscience et l’objet au sein de la conscience même. Il n’y avait plus de dissociation. Je n’étais pas deux, mais Un avec le tout.

Vu sous un autre angle, j’étais le créateur et la création à la fois.

Source: http://samia-aissaoui.com/

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