Omraam Mikhaël Aïvanhov
Lorsque l’esprit de l’homme a quitté le sein de l’Eternel, il était en possession de tous les savoirs, de tous les pouvoirs, et il ne les a pas perdus, ils sont profondément enfouis, recouverts par des couches de matière opaque, mais ils sont toujours là, en lui. Alors, comment les retrouver ? C’est simple : le travail et le temps… oui, le travail et le temps nécessaires pour la matérialisation, la concrétisation des puissances de l’esprit.
Mais ce qu’il faut connaître avant tout, ce sont les conditions dans lesquelles ce travail de matérialisation est possible. Ces conditions, beaucoup, même parmi ceux qui se sont engagés dans la voie de la spiritualité, ne les connaissent pas. Sous prétexte qu’ils ont entendu parler des pouvoirs de la pensée, ils se lancent dans des exercices de concentration pour produire certains phénomènes ou réaliser des projets dans le plan physique ; et comme ils n’obtiennent pas de résultat, ils sont déçus et ne s’exercent plus, ce qui est dommage. Ou alors, ils persévèrent et détraquent leur système nerveux, ce qui est encore plus grave.
La nature a donné à l’homme différents instruments pour agir sur la matière, mais il doit savoir quand et comment les utiliser. Si vous voulez faire venir par la pensée un morceau de sucre jusqu’à votre bouche, vous aurez beau vous concentrer, il y a de fortes chances pour qu’il ne bouge pas. Mais prenez ce morceau de sucre avec la main, portez-le à la bouche, et ça y est ! Pour saisir les objets, la nature nous a donné une main, et cela doit nous suffire. Vous direz : « Mais alors, que doit-on faire avec la pensée ? » Ah ! avec la pensée on peut réaliser des choses beaucoup plus importantes ; seulement il faut connaître sa nature, comment elle travaille et quelles sont les conditions nécessaires pour qu’elle se réalise dans la matière.
Combien de livres compliqués ont été écrits sur la matérialisation de la pensée ! En réalité, c’est très simple, et le plus extraordinaire, c’est qu’on a continuellement sous les yeux des exemples de ce processus, seulement on n’ a pas su les observer et en tirer des conclusions. Un homme se dit un jour qu’il serait bien agréable d’avoir un peu d’argent sans se fatiguer. Tout d’abord, il se contente d’imaginer, il se représente la scène, les circonstances : la foule dans le métro, ou dans un grand magasin, et sa main qui se glisse dans une poche ou dans un sac pour prendre un porte-feuille… Cela reste encore un moment dans sa tête comme une perspective assez vague. Seulement voilà, comme cette pensée s’est enregistrée, elle déclenche certains rouages en lui et peu à peu elle descend dans le plan du sentiment : il commence à désirer ardemment sa réalisation. Les communications, les branchements sont en train de se faire, et voilà qu’un beau jour, sa main se faufile dans un sac ou s’empare d’un objet sur un étalage. Donc, vous voyez, tant que la pensée restait en haut, dans le plan mental, elle était inopérante ; mais elle est descendue dans le plan astral, le plan du désir, et de là dans le plan physique. Comment peut-on dire alors que la pensée ne se réalise pas ?
Prenons encore un exemple. Un garçon tout à fait pacifique, doux, idéaliste, qui ne ferait pas de mal à une mouche, entre à l’Université. Là, il commence à lire des livres d’histoire et de philosophie où il découvre les idées de certains penseurs politiques qui ont bouleversé des sociétés et entraîné des peuples dans de grandes aventures. Il se prend de passion pour eux, se plonge dans leurs œuvres, et nourrit des idées de plus en plus audacieuses. Enfin, il s’inscrit dans un parti avec le désir de jouer, lui aussi, un rôle et le voilà un jour à la tête d’une révolution dans son pays. Tout a commencé par des idées, des théories, une philosophie. Alors, comment douter que la pensée est une puissance formidable ? On ne la voit pas, elle n’arrive pas à faire bouger un morceau de sucre, mais elle finit par soulever des millions d’hommes !
La pensée est donc une force, une énergie, mais en même temps une matière d’une extrême subtilité qui travaille dans des régions très éloignées du plan physique. Elle traverse les murs et les objets sans laisser de traces et, pour pouvoir agir sur la matière, elle a besoin qu’on lui construise des ponts, c’est-à-dire toute une série d’intermédiaires. Donnez-lui ces intermédiaires et vous verrez qu’elle est capable d’ébranler l’univers. Vous avez regardé comment fonctionnent les machines dans une usine ? Tout est branché, tout est prêt, il y a juste un bouton, là, un simple bouton sur lequel il suffit d’appuyer ; et comme ce bouton est relié à une quantité de rouages, de circuits de transmission, au moment où on appuie, toutes les machines se mettent en marche et, au bout de la chaîne, là-bas, on voit bientôt apparaître un objet entièrement réalisé.
La pensée que l’homme projette agit déjà dans sa région, en haut, où elle met en marche des appareils d’une grande subtilité. Mais tant que la communication n’est pas correctement établie d’un plan à l’autre, tant que les relais de transmission ne sont pas installés, elle ne peut pas se concrétiser par des actes dans le plan physique ; il y a des trous, des zones mortes, le courant ne passe pas. Tout n’est donc qu’une question de communication, de transmission. Jamais la pensée n’exerce directement son pouvoir dans le plan physique. Il lui faut des intermédiaires. On ne saisit pas des braises avec la main, mais avec des pincettes ; et pour se servir de potage on prend une louche. Et le bras, si l’on veut comprendre ce qu’est un bras, eh bien, c’est justement un intermédiaire entre la pensée et l’objet. Lorsque vous prenez un morceau de sucre qui agit ? Votre pensée, car c’est votre pensée qui conduit le bras. Mais la pensée ne suffit pas, il faut le sentiment, car si vous n’avez pas envie de sucre ou si vous ne l’aimez pas, votre bras n’ira pas le prendre.
Il existe évidemment un lien entre la pensée e t l’action, mais c’est entre le sentiment et l’action que ce lien est le plus fort. Pourquoi, quand vous éprouvez de l’amour ou de la colère, ce sentiment se fraie-t-il immédiatement le chemin jusque dans le plan physique ? Que vous le vouliez ou non, vous faites les gestes qui lui correspondent. Aimez quelqu’un, et vous êtes instinctivement poussé à lui sourire, à la caresser, à l’embrasser, à lui apporter des cadeaux. Soyez irrité contre lui, et vous devez faire des efforts pour ne pas le foudroyer du regard ou lui donner une paire de gifles. Chaque sentiment se manifeste à travers des gestes déterminés. C’est toujours la pensée, soutenue par le sentiment, qui fait courir les gens ou qui les arrête, qui suscite des guerres, des dévastations ou les plus nobles entreprises…
La pensée est donc bien une puissance, mais à condition qu’il y ait les bras pour la réaliser. Et l’homme lui-même est un exécutant, un bras. Le bras d’un homme est un symbole de l’homme lui-même, qui représente alors un autre bras. Oui, le bras est résumé de l’homme : l’homme est un bras pour la pensée, et il se peut que la pensée soit aussi un bras pour d’autres pensées dans des régions de plus en plus élevées… jusqu’à la divinité qui utilise tous les bras, c’est-à-dire toutes les créatures.
S’il y a une chose qui’ ne faut jamais oublier, c’est que toutes les pensées que nous formons, les plus faibles, les plus insignifiantes soient-elles, sont une réalité, car chaque pensée est une entité vivante. Et ce n’est pas parce qu’elle ne touche pas directement le plan physique qu’on peut en conclure qu’elle ne se réalise pas. Elle se réalise, mais dans la région qui est la sienne : le plan mental, et c’est seulement là qu’elle agit, comme on peut l’observer dans le cas de l’hypnotisme
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